« La vie n’est pas un endroit particulier ou une destination. La vie est un chemin. »
Thich Nhat Hanh
Profitant de cette magnifique journée d’automne, je m’engage sur un sentier de la forêt avoisinant mon lieu de retraite silencieuse. Près d’un an d’attente avant de pouvoir réaliser ce désir profond de solitude avec moi-même. Je marche seule, sous un soleil radieux qui procure une douce chaleur dans une période normalement plus fraiche.
Le silence, lien par lequel j’aspire à faire le point sur ma vie. Pouvoir entrer en communication avec mon cœur sans interférence sonore. Lentement, à chaque pas, l’état de paix s’installe. Mes sens s’ouvrent à l’environnement et me transmettent les sensations les plus intenses vécues depuis longtemps.
Je perçois le crissement de mes pas sur le tapis de feuilles or, rouge et jaune. C’est une musique à mes oreilles. Il me vient en tête que chaque pas me permet d’avancer dans ma vie, peu importe l’endroit où je vais. S’ajoute le bruit furtif d’une course rapide dans le sous-bois. Les tamias vaquent à leurs besoins, s’arrêtant ici et là pour se nourrir, tendre l’oreille ou rejoindre un congénère. Je porte attention au ballet de leurs déplacements et je me dis c’est ça la vie! Un petit geste sans conséquence apparente, suivi d’un autre encore et encore. Pourtant s’installe une relation entre les tamias et leur environnement qui favorise la poursuite du chemin. Il en est ainsi de tout, chaque geste, parole, action entraine une réaction et colore le chemin de tous par corrélation.
C’est au tour de la cigale de me surprendre. Chant étonnant en cette saison, mais qui apporte les réminiscences d’un été plus que chaleureux. Ça aussi c’est la vie. Me voilà qui me concentre sur le ressenti de cette douceur sur ma peau, de cette lumière plombant sur cette magnifique nature qui m’entoure. Rien de cela n’est nouveau ou inconnu, mais prendre le temps de l’apprécier là, maintenant, c’est magique. Mon état de bien-être augmente juste à savourer ce moment.
En baissant les yeux, je vois des glands de chêne et de petites pommettes qui jonchent le sol. La nature fait son œuvre. De la nourriture pour les animaux de la forêt et la pérennité de cette dernière par ces semences qui jouent leurs rôles parfaitement.
Derrière moi j’entends un son inattendu. Des sabots de cheval? Deux cavalières me dépassent doucement et de nouveau je me dis c’est ça la vie. Des rencontres imprévues, des situations imprévisibles qui surgissent au moment où l’on s’y attend le moins. Dans mon état de zénitude, j’observe ses puissants animaux et je décèle la vigueur des muscles, l’ancrage des sabots à la terre, la manière d’adapter le rythme des pas au terrain. La dernière monture est maintenant devant moi et, surprise, un chien est bien installé sur sa croupe. En regardant le bichon bouger afin de maintenir son équilibre, je me dis encore une fois que la vie est à l’œuvre pour m’apprendre. Faut-il que cet animal désire accompagner sa maitresse pour qu’il accepte de déployer autant d’efforts pour devenir équilibriste! C’est l’attitude et ce qui te fait vibrer qui déterminent ta capacité à surmonter les obstacles qui se dressent sur le chemin de la vie.
J’entends soudain le bruit d’un moteur. Sur le coup, je pense qu’est-ce qu’un engin motorisé vient faire sur un sentier? Je vois surgir un 4 roues rouge, au volant il y a l’hôte qui m’a si cordialement accueilli hier à l’hôtellerie. Il signe de la tête avec un large sourire. D’un seul coup, cela me parait tout à fait normal qu’il emprunte cette route. Je m’interroge, ma perception du bruit dérangeant a complètement été modifiée lorsque j’ai reconnu le conducteur. De plus, son passage tapageur n’a duré qu’une minute. Sur le coup, la turbulence dans mon moment de paix m’a semblé offensante, cependant il n’appartenait qu’à moi d’en faire une histoire ou de poursuivre ma route. La vie me confronte parfois et je réagis rapidement. Aujourd’hui, la vie m’apprend la leçon de mieux saisir la globalité de la situation avant de réagir. Tout passe.
Soudain devant moi, une clairière d’aiguilles de pin roussies s’offre à mon regard. En un instant, me revoilà dans le passé. C’est que dans mon enfance, j’allais dans ma cachette secrète située dans le bois attenant au chalet. Une pinède possédant une clairière pratiquement identique. Je revis instantanément l’émerveillement des épisodes lointains vécus là-bas, et cette magie rejaillit maintenant juste ici. Les émotions joyeuses et les souvenirs défilent rapidement en moi et je me retrouve dans la joie la plus complète.
À la sortie de la pinède, j’aperçois un homme au volant d’un tracteur qui s’active à l’entretien des sentiers. Peu après il m’interpelle et m’instruit de la meilleure direction à prendre pour éviter de tourner en rond. Au hasard, une rencontre fortuite qui me guide exactement au moment où le besoin se fait sentir. Pour moi il s’agit d’une synchronicité de la vie qui met sur ma route ce dont j’ai besoin pour poursuivre mon chemin dans la bonne direction.
Je marche encore quelque temps, sans hâte, me laissant inspirée par la nature. Je suis absolument charmée par ce qui m’entoure et suis enveloppée dans le silence. L’esprit en paix, je remarque simplement à quel point le silence me laisse entendre la voix de mon cœur. J’avance habituellement dans la vie accompagnée par le bruit, les diversions, les hauts et les bas, sans cette qualité de présence qui est la mienne en cet instant. Je constate que lorsque je suis réceptive à ce qui m’entoure, ma paix intérieure demeure, et ce malgré les ondes provoquées par les dénivellations et obstacles sur ma route. Une fois bien ancrée sur le chemin de la vie, l’émerveillement est présent, j’accueille mieux ce qui est, j’accepte que cela soit ainsi et comprends que ma réponse m’appartient. En choisissant de vivre dans la simplicité et la légèreté, je préserve ce lien étroit entre mon mental et la paix de mon cœur. Et si c’était cela la vie, savoir être présent, s’émerveiller et accepter ce qui est?
Publié le 21 novembre 2019
1 commentaire